On vous dit encore et encore de vous reposer pendant que vous êtes enceinte puisque vous ne pourrez plus dormir lorsque vous serez parents. Toutefois, les bouleversements physiques et psychiques associés à la grossesse sont souvent un obstacle au sommeil des futures mamans. Il est important de porter une attention particulière aux plaintes de sommeil des femmes enceintes, puisque leurs symptômes ont tendance à augmenter durant la grossesse. Au premier trimestre, environ 75% des femmes se plaignent de perturbation du sommeil, alors qu’au 3etrimestre cette proportion augmente à près de 93% [1]. Nous verrons donc plus en détail les changements physiques et psychologiques qui peuvent contribuer aux difficultés de sommeil. De plus, puisque le risque de troubles du sommeil est accru chez la femme enceinte, nous ferons un bref survol afin de mieux les reconnaître.
Changements physiologiques et psychologiques
Au premier trimestre, les modifications hormonales font en sorte que la plainte principale est la somnolence excessive pendant la journée. En fait, l’augmentation du besoin de sommeil serait due à l’effet sédatif de la progestérone. La durée totale de sommeil sur 24 heures augmente d’environ 30 minutes et les siestes sont plus fréquentes [2]. Toutefois, le sommeil est plus fragmenté par rapport à la période précédant la grossesse. Les éveils sont plus nombreux et le sommeil lent profond est diminué. Ces changements semblent être à l’origine de la détérioration subjective du sommeil et la plainte de fatigue[3]. L’envie fréquente d’uriner, les nausées et les vomissements, causés par l’augmentation des taux plasmatiques d’œstrogène et de progestérone sont également des perturbateurs du sommeil au premier trimestre [4]. Notons que le sommeil peut également être perturbé par l’annonce de la grossesse qui peut générer du stress et de l’anxiété.
Au deuxième trimestre on observe une amélioration de la qualité subjective du sommeil. Le temps total de sommeil diminue et retourne près des valeurs rapportées avant la grossesse [3]. Le pourcentage de sommeil lent profond augmente par rapport au premier trimestre [2], ce qui contribue possiblement à diminuer la sensation de fatigue au cours du deuxième trimestre [5]. Cependant, le sommeil demeure fragmenté et les éveils augmentent au fur et à mesure que la grossesse avance, possiblement en raison de la diminution progressive de la profondeur du sommeil, de l’envie d’uriner et des inconforts physiques liés à la croissance du fœtus [5].
Le troisième trimestre est caractérisé par une diminution de la quantité et de la qualité du sommeil ainsi que par des changements au niveau de l’architecture du sommeil. Environ 93% des femmes rapportent des troubles de sommeil comme les difficultés d’endormissement, des éveils nocturnes, des éveils précoces le matin et une somnolence excessive dans la journée. La durée totale du sommeil diminue et se rapproche des valeurs rapportées avant la grossesse, incluant la sieste [2]. Concernant les changements de l’architecture du sommeil, on observe une diminution du pourcentage de sommeil lent profond et du sommeil paradoxal, compensée par une augmentation du sommeil lent léger [2]. Notons que le sommeil lent léger est plus facilement perturbé par les inconforts physiques et contribue possiblement à la diminution de la qualité subjective du sommeil [6]. La source des troubles du sommeil est fréquemment liée aux inconforts physiques comme les mictions fréquentes, les douleurs lombaires, brûlures d’estomac, reflux, syndrome de la veine cave, ronflement, gêne respiratoire, crampes musculaires, position de sommeil inconfortable [6]. Environ 45% des femmes sont éveillés par les mouvements du fœtus et 11% rapportent des cauchemars [6]. L’anxiété à l’approche de l’accouchement peut également contribuer aux éveils et à la difficulté à se rendormir.
Les troubles du sommeil pendant la grossesse
L’insomnie
L’insomnie est caractérisée par une difficulté à initier, ou à maintenir le sommeil, des éveils précoces le matin avec une incapacité à se rendormir, et un sentiment d’avoir un sommeil non récupérateur. Les symptômes surviennent trois nuits ou plus par semaine. Ce problème entraîne une détresse significative et un problème à fonctionner adéquatement pendant la journée [7].
Pendant le premier et le deuxième trimestre, c’est environ 25% des femmes qui souffrent d’insomnie et ce nombre augmente à 60% au troisième trimestre[8]. En plus, des études épidémiologiques ont montré que 26 à 40% des femmes se plaignent encore de symptômes d’insomnie 2 ans après la naissance de leur enfant [9-10]. La faible qualité du sommeil a été associée à une augmentation des plaintes d’anxiété et de dépression pendant la grossesse et la période postpartum [11].
La thérapie cognitive comportementale de l’insomnie est le traitement de première ligne recommandé par le collège américain des médecins [12]. Ce traitement non pharmacologique a récemment montré son efficacité pour traiter l’insomnie chez les femmes enceintes et réduire les risques de dépression postpartum [12].
L’apnée obstructive du sommeil
L’apnée obstructive du sommeil est caractérisée par une obstruction partielle ou complète des voies aériennes supérieures. Les changements anatomiques et physiologiques associés à la grossesse peuvent être à l’origine d’une diminution du périmètre des voies aériennes supérieures et augmenter les risques d’obstructions pendant le sommeil. Le gain pondéral, l’ascension du diaphragme, l’œdème de la muqueuse nasopharyngée et la rhinite vasomotrice secondaire à l’augmentation d’œstrogène peuvent prédisposer les femmes enceintes aux apnées du sommeil. Une étude épidémiologique a d’ailleurs montré que l’apnée du sommeil est présente chez 3.5% des femmes au début de la grossesse et augmente à 8.2% au deuxième trimestre [13].
Ainsi, la coexistence de ronflement, d’hypertension artérielle, de diabète gestationnel, d’antécédent de prééclampsie ou d’un retard de croissance intra-utérin associé à une insomnie devrait être investigué à l’aide d’une polysomnographie afin de rechercher un syndrome d’apnée obstructive du sommeil [14-15]. Ce problème de santé doit être traité puisqu’il peut entraîner des conséquences importantes : naissance prématurée, bébé de petits poids à la naissance, admission à l’unité de soins intensifs [15].
Le syndrome des jambes sans repos
La grossesse est considérée comme un facteur de risque du syndrome des jambes sans repos. Il serait 2 à 3 fois plus fréquent chez les femmes enceintes (22 à 32%) comparativement à la population générale (2-3%) [7]. Ce syndrome est caractérisé par des sensations désagréables au niveau des jambes, survenant au repos ou en soirée, qui est associé à un besoin irrésistible de bouger. Les symptômes sont soulagés temporairement par le mouvement.
Les femmes affectées par le syndrome des jambes sans repos présentent des antécédents familiaux de syndrome des jambes sans repos et sont plus souvent multipares. L’incidence de cette pathologie semble augmenter avec l’avancée de la grossesse pour ensuite diminuer après l’accouchement [7]. Les faibles taux de ferritine et de folate sanguins ainsi qu’un taux d’hémoglobine plus bas auraient été trouvés chez ces femmes. La supplémentation en folates et en fer est le principal traitement recommandé [7].
La grossesse est une période où de nombreux changements peuvent augmenter les risques de troubles du sommeil. Dans ce contexte, savoir reconnaître les troubles du sommeil permet aux futures mamans d’aborder ce thème avec leur médecin au cours du suivi de grossesse. Les troubles de sommeil sont des problèmes de santé importants et peuvent avoir un impact négatif sur la santé de la mère et du bébé. Le traitement de l’insomnie est maintenant connu comme un facteur de protection pour la dépression postpartum.
Pour réserver une consultation avec Dre Katia Gagnon, neuropsychologue, cliquez sur le lien suivant : https://www.drekatiagagnon.com/service-page/sommeil-périnatal
Références
1. Sedov ID, et al. Insomnia symptoms during pregnancy: a meta-analysis. J Sleep Res. 2021;30(1):e13207.
2. J. P. Neau, J. Paquereau, J. C. Meurice, Sommeil et grossesse, Médecine du sommeil, [en ligne], 2009, 6, 119-125 p.
3. C. Hedman, T. Pohjasvaara, U. Tolonen et al., Effects of pregnancy on mothers’ sleep, Sleep Medicine, 2002, 3, 37-42 p.
4. G. W. Pien, R. J. Schwab, Sleep disorders during pregnancy, Sleep, 2004, 27 (7), 1405-1417 p.
5. M. L. Moline, L. Broch, R. Zak et al., Sleep in women across the life cycle from adulthood through menopause, Sleep Medicine Reviews, 2003, 7 (2), 155-177 p.
6. M. Dubosc, B. Guyard-Boileau, B. Emmery, Le sommeil dans le dernier trimestre de la grossesse, La Revue Sage-femme, 2007, 6 (2), 62-69 p.
7. Faco FL, Chan M, Patel SR. Common sleep disorders in pregnancy. Obstetrics & Gynecology. 2022; vol 140 (2): 321-339.
8. Sedov ID, Anderson NJ, Dhilon AK, Tomfohr-Madsen LM. Insomnia symptoms during pregnancy: a meta-analysis. J Sleep Res. 2020; 20:el13207. doi: 10.1111/jsr.13207
13 Sivertsen B, et al. Trajectories of maternal sleep problems before and after childbirth: a longitudinal population-based study. BMC Pregnancy Childbirth. 2015;15(1):129. doi:10.1186/ s12884-015-0577-1.
10. Quin N, et al. Differentiating perinatal insomnia disorder and sleep disruption: a longitudinal study from pregnancy to 2 years postpartum. Sleep. 2022;45(2). doi:10.1093/sleep/ zsab293.
11. Okun ML, Mancuso RA, Hobel CJ, Schetter CD, Coussons- Read M. Poor sleep quality increases symptoms of depression and anxiety in postpartum women. J Behav Med 2018;41: 703–10. doi: 10.1007/s10865-018-9950-7
12. Dietch JR & Manber R. Insomnia and cognitive arousal are important potential targets to reduce perinatal depression risk. SLEEPJ. 2021. 1-3.
13. Facco FL, Parker CB, Reddy UM, Silver RM, Koch MA, Louis JM, et al. Association between sleep-disordered breathing and hypertensive disorders of pregnancy and gestational diabetes mellitus. Obstet Gynecol 2017;129:31–41. doi: 10. 1097/AOG.0000000000001805
14. Bayon V, Léger D. Sas et insomnie. Rev Mal Respir 2014; 31 : 181-8.
15. Ding XX, Wu YL, Xu SJ et al. A systematic review and quantitative assessment of sleep-disordered breathing during pregnancy and perinatal outcomes. Sleep Breath 2014; 18(4): 703-13.
コメント