Le train du sommeil est une figure couramment utilisée pour vulgariser le développement neurologique de
l’architecture du sommeil des bébés et jeunes enfants. Ce concept a également été repris plus récemment pour expliquer aux enfants, et aux parents, une technique utilisée dans le cadre du traitement des difficultés de sommeil. Cependant, on constate que certaines croyances s’y sont ajoutées et qu’il devient aujourd’hui difficile pour les parents de s’y retrouver. Dans cet article clinique, nous allons démêler ce qui appartient au développement de l’architecture du sommeil et à la technique pour traiter les troubles de sommeil. Nous allons également revoir la croyance selon laquelle lorsque le train du sommeil passe, et qu’on le rate, il ne repassera pas avant très longtemps.
L’utilisation du train du sommeil pour comprendre le développement de l'architecture du sommeil.
L'architecture du sommeil fait référence à l'organisation des différents stades de sommeil qui se produisent au cours des cycles de sommeil tout au long de la nuit. Chez les bébés, l'architecture du sommeil subit des changements substantiels au fur et à mesure qu'ils grandissent et se développent. Comprendre ces changements est essentiel pour avoir des attentes réalistes concernant le sommeil des bébés. Le petit train du sommeil représente un cycle de sommeil, et il est souvent utilisé pour vulgariser les processus de maturation neurologiques du sommeil chez les bébés.
Dans la période 0 à 3 mois, les cycles de sommeil durent en moyenne 50 à 60 minutes et le sommeil au cours de la nuit est composé de 50 à 60% de sommeil paradoxal, soit le sommeil associé aux rêves. Le sommeil des nouveau-nés est composé de deux états, le sommeil agité et le sommeil calme. Le sommeil agité correspond à une version immature du sommeil paradoxal de l’adulte, alors que le sommeil calme ressemble davantage au sommeil lent profond.
Autour de 3 mois, on voit s’installer un sommeil paradoxal plus franc et le sommeil calme évolue vers une alternance entre le sommeil lent léger et le sommeil lent profond. La quantité totale de sommeil paradoxal pendant la nuit diminue pour atteindre environ 35%. La durée des cycles de sommeil augmente progressivement et dure en moyenne 60 à 75 minutes.
À partir de 3 ans, les éveils sont moins nombreux. Suite à la disparition des siestes, qui survient entre 3 et 6 ans, la première partie de la nuit sera composée principalement de sommeil lent profond. La quantité de sommeil paradoxale au cours de la nuit devient similaire à l’adulte soit 20 à 25%.
C’est vers l’âge de 6 ans que les cycles de sommeil seront de la même durée que les adultes, soit entre 90 et 120 minutes.
Il est important de noter que chaque cycle se termine par un éveil, autant pour les bébés que les adultes. Si bébé n’a rien à signaler, il se rendort sans intervention de la part des parents. Un nouveau-né aura en moyenne 18 à 20 cycles de sommeil alors qu’un adulte en aura entre 4 et 6 par période de 24h. Puisque les cycles sont plus nombreux et il y a plus de chance que certains éveils soient signalés.
Le train du sommeil comme figure d’intervention
L’analogie du train du sommeil a été reprise par certains cliniciens pour expliquer une technique appelée contrôle du stimulus. Cette technique, combinée avec différentes stratégies d’hygiène de sommeil, vise à briser l’association entre le lit et l’insomnie, et recréer un lien entre le lit, l’endormissement rapide et le sommeil.
L’intervention suggère que le train du sommeil représente une opportunité d'entrer dans un état de sommeil. Si l’enfant ne s’endort pas, on peut reprendre une activité calme à l’extérieur du lit, et réessayer après un certain nombre de minutes ou lorsque l’enfant montrera des signes de somnolence clairs. Si l’enfant ne réussit pas à s’endormir, on reprendra une activité calme à l’extérieur du lit et on refera un essai pour s'endormir après un moment, ou s’il montre des signes de somnolence. On recommence le processus jusqu’à ce que l’enfant s’endorme dans son lit. Il est important que l’enfant se lève à la même heure même s’il a un peu moins dormi. De cette manière, l’accumulation de pression de sommeil sera plus grande et il risque de s’endormir plus rapidement dans son lit la nuit suivante.
Toutefois, contrairement à un horaire de train réel, il n'y a pas de train de sommeil littéral qui passe et que l’on peut rater. Il n’y a pas non plus de temps à respecter, comme la durée d’un cycle de sommeil avant de pouvoir reprendre le train du sommeil. Sur le pan biologique, la somnolence, qui correspond à l’accumulation d’une neurohormone dans le cerveau, ne s’en va pas avec un train que l’on a raté. La neurohormone demeure présente dans le cerveau, et c’est en ralentissant, en relaxant et en pratiquant des activités calmes que la somnolence et ultimement le sommeil pourront s’exprimer plus facilement.
La pression de sommeil fait référence au besoin de sommeil du corps, qui augmente au fur et à mesure que nous sommes éveillés. Cette pression, qui est une neurohormone, s'accumule progressivement dans notre cerveau quand nous nous engageons dans des activités favorisant l'éveil. Lorsque nous accumulons beaucoup de pression de sommeil, nous voyons apparaître des symptômes de somnolence. C’est seulement lorsque nous dormons que cette pression se dissipe. Le cerveau fait donc le ménage de cette neurohormone, et réinitialise le cycle veille-sommeil. Une pression de sommeil suffisamment forte au coucher, va favoriser l’endormissement et le maintien du sommeil durant la nuit.
Conclusion
Le train du sommeil s'avère utile pour expliquer le développement neurologique du sommeil des enfants. Toutefois son utilisation pour mettre en place le contrôle du stimulus semble contribuer à incompréhension des mécanismes du sommeil et à l’anxiété parentale au sujet de la fenêtre de sommeil optimale.
Le train du sommeil ne symbolise pas un train réel qui passe et ne revient pas. Il n'est pas nécessaire de vous inquiéter au sujet du moment propice au sommeil, puisque la somnolence, et la pression de sommeil demeurent présentes et continuent de s’accumuler, il ne reste qu’à ralentir et relaxer pour voir le sommeil doucement s’installer.
Références
Challamel, MJ (2013). Développement des états de vigilance et de la rythmicité circadienne : du nouveau-né à l’enfant. Médecine Thérapeutique/Pédiatrie 16(2) : 61-69.
Louis, J. (1998). Maturaiton du sommeil pendant les deux premières années de la vie : aspect quantitatifs, structurel et circadien. Neurophysiologie clinique. 28(6) : 477-491.
Iglowstein, I., Jenni, O.G., Molinari, L. et al. (2003). Sleep duration from infancy to adolescence: reference values and generational trends. Pediatrics 111(2): 302-7.
Bootzin RR & Perlis ML. 2011. Stimulus control therapy. Behavioral treatments for sleep disorders. Elsevier.
コメント